FRANÇOIS VINCENT TOUSSAINT
AN UNPUBLISHED LETTER FROM 1751


[page 3]

et la netteté de son style, la fécondité de son genie, la solidité de ses
maximes, & la justesse de son esprit ; sans que le contraste de lui à moi
puisse consterner ma vanité. Et pourquoi s’en affligeroit-elle ? A cent degrés
au dessous de M. de Maupertuis, on pourroit encore être illustre. Il vaudroit
moins s’il n’avoit songé qu’à la gloire : l’ardeur pour l’illustration ne mene
pas les hommes aussi loin, que le génereux desir d’être utile à ses semblables.
Quant au Roi, protecteur de l’Academie, quittons les contrastes & les
paralleles : les Rois n’entrent en comparaison qu’avec des Rois. C’est profaner
les images des dieux que de les ranger sur la même ligne avec des mortels.
Cependant pourquoi abandonnerois-je un de mes plus glorieux titres. Ce monarque,
si superieur, non seulement au commun des hommes, mais peut-être à bien des
Princes assis comme lui sur le throne, ne dédaigne pas de contribuer par
lui-même aux richesses litteraires de l’Academie. Grand & sublime jusque &
dans ses delassemens, il donne à des amusemens philosophiques, le peu d’instans
que lui laisse le soin penible de ses Etats. Enfin, l’oseroi-je dire? L’Academie,
en m’adoptant, m’invite à des occupations que Frederic ne trouve pas indignes
de lui. Un Academicien de Prusse a presque son protecteur pour collegue.
Si un Prince s’immortalise en favorisant les lettres, combien lui est-il plus
glorieux de les cultiver ? Combien plus encore, d’allier à ces nobles goûts,
les qualités éminentes de Restaurateur de son propre Empire, de guerrier
toûjours invincible, de Legislateur Eclairé. A ces derniers traits tout parallele
cesse entre les membres de l’Academie, & le chef couronné qui les honore
de sa protection.
Vous trouverez, Monsieur, que je sais envisager mes avantages
de maniere à n’en pas rabaisser le prix : mais c’est aussi ce qui donne
plus de force & de vivacité à ma reconnoissance. Je vous prie, Monsieur,
de vouloir bien en instruire l’Academie, & l’assurer de mes très-humbles
remercîmens pour la faveur dont elle m’a honoré. Permettez aussi que je
<<  >>>>