FRANÇOIS VINCENT TOUSSAINT
AN UNPUBLISHED LETTER FROM 1751


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Je ne rougis point d’avouer, que l’Academie me fait grace, parce que
cette grace même m’est encore très-honorable, puisqu’il a fallu au
moins qu’elle eût un motif pour me la faire, & qu’elle ne l’a pas faite
également à mille autres, qui me l’envient sans doute, ou la voudroient
partager avec moi.
Vous voyez Monsieur, qu’à travers les aveux qu’une juste modestie
m’arrache, mon amour propre industrieux trouve encore moyen de se
faire jour : c’est une hydre dont il est difficile de triompher tout a fait.
Mais si je ne puis l’anéantir, voyons si je ne pourrois pas au moins l’excuser,
en developpant ses motifs.
Je me compare à une orpheline sans dot & sans rang, qui entre par la
voie du mariage dans une famille noble & opulente. Elle ne sauroit se
dissimuler qu’elle est pauvre & roturiere : mais enfin puisqu’on l’épouse,
elle a plû sans doute par quelqu’endroit ; elle se console par cet endroit là
de ce qui lui manque d’autre part ; heureuse encore d’avoir cette ressource
sans laquelle l’idée du néant d’où son amant la tire, l’accableroit de
confusion. Mais l’heureux moment de la célébration de ses noces arrivé
elle n’a plus lieu d’envier les avantages que la naissance & la fortune
lui avoient refusés : tout est réparé par le nom qu’elle acquiert ; elle
entre en communauté de biens & d’honneurs avec son époux ; &
partageant son sort en entier, elle ne peut plus être ni moins riche, ni
moins noble que lui.
Voila, Monsieur, ma position. Aggrégé une fois dans votre illustre
Academie, le merite de ceux qui m’y precedent n’a rien qui me puisse faire
ombrage : au contraire, plus on les exaltera, plus je serai satisfait
d’être associé à d’aussi grands hommes ; il ne sauroit tomber un rayon de
gloire sur eux qui ne reflechisse sur moi.
Je saurai même admirer la multitude & l’étendue des talens de
votre digne Président, la profondeur de ses connoissances, les graces
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